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L’achèvement de l’immeuble et l’épineuse question du paiement de la dernière tranche

En matière de vente d’immeubles à construire, l’achèvement entraîne des conséquences juridiques importantes tant pour le promoteur que pour l’acquéreur. Un épineux problème concerne le paiement de la dernière tranche en matière de vente en état futur d’achèvement.

A.  Les conséquences de l’achèvement

Tout d’abord, il est important de rappeler que l’achèvement n’a aucune incidence sur les actions qui peuvent être intentées pour vices, malfaçons ou défauts de conformité par l’acheteur ; les délais pour intenter ces actions courent en effet à partir de la réception et non de l’achèvement. Le constat d’achèvement n’emporte aucune renonciation aux actions en vice apparent ou reconnaissance de conformité.

La constatation de l’achèvement met fin à la garantie d’achèvement et de remboursement. L’acquéreur ne peut en principe d’ailleurs plus agir en nullité du contrat pour le non-respect des obligations du secteur protégé.

Dans le cadre de la vente en état futur d’achèvement, l’achèvement emporte le paiement d’un montant maximum correspondant à 95% du prix de vente. Les 5% restants seront payables à la livraison. C’est le paiement de cette dernière tranche qui a donné lieu à beaucoup de litiges.

B.  L’épineuse question de la dernière tranche

Rappelons que le paiement échelonné du prix est une des caractéristiques majeures de la vente en l’état futur d’achèvement. Ainsi, l’acquéreur devra effectuer des versements au fur et à mesure des travaux. A défaut, l’acte est nul.

Les versements sont strictement plafonnés en fonction des différentes étapes d’avancement des travaux.

Un contentieux récurrent concerne le paiement des derniers 5%. L’acheteur peut-il retenir ces 5% et dans quelles conditions ?

L’article 1601-9 du code civil prévoit que le solde peut être consigné en raison d’une « contestation sur la conformité avec les prévisions du contrat ».

1.  Non-conformité, vice et retard

Sur base de la formulation de l’article 1601-9 du Code civil, doit-on considérer qu’en cas de vice, le solde doit quand même être payé ?

Et qu’en est-il d’un retard important au niveau du délai de livraison ?

Vice et non-conformité : Rien dans le rapport de la commission juridique de la Chambre des Députés1 ne permet de déduire que le législateur ait voulu expressément exclure les vices de cette disposition, elle utilise d’ailleurs le terme contestation qui peut aussi bien désigner un vice qu’un défaut de conformité.

On peut donc en conclure que l’intention du législateur était de permettre à l’acheteur de consigner le solde afin de faire pression sur le promoteur pour qu’il répare les éventuels défauts du bien rapidement qu’il s’agisse d’un vice ou d’un défaut de conformité.

Les juridictions nationales semblent, quant à elles, traiter de la même manière tant le défaut de conformité que le vice apparent, qu’elles désignent sous le terme de « désordres », s’agissant du paiement de la dernière tranche du prix de vente d’un immeuble en état futur d’achèvement2.

Retard : En revanche, les retards semblent toujours exclus. D’ailleurs, le plus souvent, le préjudice qui en résulte n’est pas directement chiffrable et devra, à défaut d’une clause d’indemnisation particulière au contrat de vente, faire l’objet d’une évaluation par les juridictions du fond.

2.  Gravité du désordre

Puisque l’étape concernant l’achèvement est déjà passé et que la consignation ne concerne alors que les finitions, aucune condition concernant la gravité des défauts ou vices n’est exigée3.

3.  Consignation ou rétention

En principe, l’article ne prévoit que l’hypothèse d’une consignation des derniers 5% restant, et non la possibilité d’une rétention de cet argent.

Or, la jurisprudence semble considérer que l’exception d’inexécution de droit commun est aussi applicable à la vente en état futur d’achèvement et que l’acquéreur peut donc retenir une partie du prix si l’immeuble n’est pas achevé ou s’il comporte des malfaçons. En l’espèce, le tribunal de Paix de Luxembourg4 a considéré que l’acheteur pouvait retenir une partie du solde jusqu’à la finition correcte des travaux.

Cette solution a été réitérée dans un jugement du 19 juin 20175, dans lequel le tribunal a considéré que l’acheteur pouvait opposer l’exception d’inexécution pour des vices de construction, sans cependant rechercher au préalable la qualification du contrat (vente d’immeuble à construire ou contrat d’entreprise).

Un autre jugement a retenu que l’acquéreur devait prouver que l’immeuble était impropre à sa destination afin de retenir la dernière tranche de paiement6.

L’exception d’inexécution peut donc être moins intéressante que la consignation si l’on considère que l’acquéreur doit prouver que l’immeuble est impropre à sa destination.


[1] Rapport de la commission juridique, discussion générale n°1637, jeudi 8 juillet 1976 (77e séance)

[2] Lux, 11e Ch., 22 décembre 2006, n°293/2006 cité in JurisNews 6/2008, p.61 : « L’exception d’inexécution est définie comme le droit pour chaque partie de refuser de s’exécuter, si son co-contractant n’offre lui-même la prestation due. La mise en demeure n’est pas juridiquement nécessaire. L’exception d’inexécution peut être invoquée même au cas de simple inexécution partielle ou défectueuse. Il échet dès lors d’analyser si les reproches des époux HG quant à l’existence des vices et malfaçons sont fondées et pour voir si la responsabilité du promoteur est engagée »

[3] Civ. 3e, 6 décembre 1972, Bull. Civ. III, n°666

[4] JP Lux, 3 décembre 2001, n°5170/01 ; Lux., 11e Ch., 22 décembre 2006 précité

[5] Lux, 19 juin 2017, n°141.526 du rôle

[6] Lux, 25 avril 2017, n°171.832 du rôle