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Modernisation du droit luxembourgeois de la faillite : Créanciers, soyez vigilants !

La récente loi du 7 août 2023 relative à la préservation des entreprises et portant modernisation du droit de la faillite a introduit des changements majeurs longuement attendus, dont entre autres l'instauration des procédures de réorganisation amiable et judiciaire. Cependant, la nouvelle loi a également modifié certaines dispositions du droit luxembourgeois de la faillite, avec des conséquences parfois significatives pour les créanciers du failli.

Délai de forclusion : Nouvelle exigence pour les déclarations de créance

La loi introduit désormais un délai de forclusion contraignant les créanciers à déclarer leurs créances au greffe du Tribunal d’arrondissement dans les 6 mois suivant le jugement déclaratif de faillite. S’agissant d’un délai de forclusion, les créanciers ne pourront en principe plus faire valoir leurs droits si le délai n’est pas respecté.

Une exception a néanmoins été prévue : sur demande écrite, le Tribunal peut lever la forclusion en présence de circonstances morales ou matérielles qui ont empêché le créancier de présenter sa déclaration de créance en temps utile. Mais les cas d’ouverture seront probablement très limitativement admis.

Bien que le jugement de faillite soit normalement publié dans les principaux journaux ("Wort" et "Tageblatt"), ainsi que sur le registre de commerce et des sociétés (RCS), le curateur n'est à priori pas tenu d'avertir les créanciers individuellement du prononcé de la faillite, voire du délai de forclusion. Ces derniers doivent donc rester attentifs et consulter régulièrement le RCS, voire les journaux précités, et déposer leur déclaration en temps utile.

Dépôt des déclarations de créance au greffe du Tribunal : Exigence maintenue

Il est important de souligner que les déclarations de créance doivent être déposées impérativement au greffe du Tribunal d’arrondissement, et non auprès du curateur. Bien que cela fût déjà la norme avant la réforme, de nombreux créanciers déposent encore leurs déclarations directement auprès de ce dernier. Si le curateur qui reçoit une déclaration entre ses mains devrait à nos yeux en avertir les créanciers, voire même déposer la déclaration lui-même, il n'a en principe aucune obligation légale de le faire. Une clarification importante pour éviter des erreurs fréquentes.

La procédure de vérification des créances et les débats sur contestations

La procédure de vérification des créances n’a en soi pas subi de changements notables. Les curateurs effectuent une première vérification à la date stipulée dans le jugement, suivie de vérifications supplémentaires au besoin.

La procédure des débats sur contestations voit en revanche des modifications substantielles. Une créance non admise par le curateur doit toujours faire l'objet d'un débat sur contestations pour être admise au passif (sauf accord avec le curateur). Ce qui change désormais est l'obligation pour les créanciers - sauf pour les créanciers salariés - de demander expressément un débat sur contestations par voie de requête à déposer au Tribunal d’arrondissement. Le curateur doit informer le créancier de la contestation par lettre recommandée dans un délai de 15 jours après la vérification de la créance. Le créancier dispose ensuite de 40 jours pour déposer sa requête, de nouveau sous peine de forclusion.

Mais attention : d’une part, le délai de forclusion commence en principe à courir à partir de la date d’envoi du courrier recommandé du curateur, ce qui peut poser un problème notamment pour les créanciers étrangers, qui n’auront le cas échéant pas beaucoup de temps pour prendre les mesures nécessaires. D’autre part, la loi ne prévoit en princière pas que le curateur aurait l’obligation d’informer le créancier de son obligation de solliciter un débat sur contestations, voire du délai de forclusion applicable. Nous estimons que le curateur devrait néanmoins le faire, mais à défaut de disposition légale y relative, il semble difficile de pouvoir engager sa responsabilité s’il ne le fait pas.

Entrée en vigueur et application

La loi, entrée en vigueur le 1er novembre 2023, s'applique en principe à toutes les faillites en cours ou introduites par après.

Les créanciers doivent ainsi s'adapter rapidement aux nouvelles exigences légales pour protéger au mieux leurs intérêts dans les procédures de faillite au Luxembourg. Une vigilance accrue et une connaissance approfondie des changements législatifs sont essentielles pour naviguer avec succès dans ce nouvel environnement juridique.

Fabien FRANÇOIS, Lex THIELEN