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L’intolérable atteinte aux droits des copropriétaires face aux nouveaux critères de sécurité

La nouvelle loi relative aux conditions de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’habilité pour les logements loués[1] est susceptible d’entraver lourdement les droits de certains copropriétaires leur interdisant de louer leur bien sous risque de sanctions pénales lourdes.

Si ces mesures font sens pour des maisons transformées en location de chambres individuelles, les nouveaux critères affectent pourtant aussi les parties communes des copropriétés, dès qu’un appartement est loué… Or, un copropriétaire individuel n’a aucun pouvoir décisionnel sur les travaux à réaliser sur les parties communes, ni a fortiori sur l’emplacement vers l’avant ou l’arrières des chambres à coucher.

Du fait que tous les logements loués doivent correspondre aux nouveaux critères au plus tard le 23 décembre 2021, le problème devient urgent, d’autant plus que la loi prévoit des sanctions pénales en cas de non-respect des nouveaux critères.

   I)   Les critères applicables aux parties communes

L’auteur estime que sur base des définitions données par la loi et le règlement, les critères s’appliquent majoritairement[2] aux parties privatives au sein d’une copropriété, mais non pas exclusivement.

En effet, certains critères s’appliquent à des pièces du bâtiment, qui constituent souvent des parties communes dans une copropriété. Il s’agit notamment des critères suivants :

La circulation verticale à l’intérieur d’un immeuble avec un ou plusieurs logements ou chambres doit se faire par un escalier fixe.

Les portes, couloirs et escaliers d’un tel immeuble sont à organiser de manière à permettre une évacuation rapide et sécurisée de tous les occupants.

Les occupants doivent avoir à tout moment accès à une deuxième sortie d’évacuation sur le même étage ou, pour les logements et chambres ayant été autorisés par le bourgmestre avant l’entrée en vigueur du présent règlement, à un étage immédiatement supérieur ou inférieur.

Tout couloir d’évacuation doit être dimensionné et disposé de manière à pouvoir être emprunté à tout moment rapidement et en toute sécurité, et être signalé par des symboles normalisés conformes au règlement grand-ducal du 14 novembre 2016 concernant les prescriptions minimales pour la signalisation de sécurité et de santé au travail.

Pour tout immeuble dont la surface des chambres et locaux collectifs dépasse 300 m², qui a plus de trois niveaux ou qui est composé de plus de huit chambres, l’accès à la cage d’escalier se fait par des cloisons coupe-feu pendant 60 minutes et des portes coupe-feu pendant 30 minutes et par des cloisons et portes coupe-fumée. Dans un tel immeuble, les escaliers de secours sont désenfumés.

Chaque immeuble comportant plusieurs logements ou chambres est à munir d’un extincteur par étage et adapté pour l’extinction des feux de matériaux combustibles solides et liquides. Les extincteurs sont à fixer à portée de main, signalés par des pictogrammes et munis d’un certificat de contrôle délivré par un organisme agréé au moins une fois tous les deux ans quant à leur état et à leur bon fonctionnement.

Dans les couloirs dont les dalles sont en matériaux combustibles et dans les cages d’escalier en bois, des détecteurs de fumée doivent être installés.

Toute installation de chauffage à combustion et tout autre moyen de chauffage situé à l’intérieur d’un immeuble comportant un ou plusieurs logements ou chambres, dans lesquels une combustion a lieu et dont l’activité de combustion peut libérer du monoxyde de carbone, sont à raccorder à une tuyauterie étanche aux gaz et résistante à la température, et avoir un apport suffisant en air.

En présence d’installations fixes et de récipients mobiles à gaz de pétrole liquéfié, la distribution doit se faire moyennant des conduits en métal. Les récipients mobiles à gaz de pétrole liquéfié doivent se trouver à l’extérieur de l’immeuble dans une armoire fermée contenant au maximum 2 bouteilles.

Toutes les installations électriques sont à concevoir et à protéger de manière à ce qu’il ne puisse y avoir le moindre contact direct d’un occupant avec les voies d’un réseau électrique.

    II)   L’absence de pouvoir décisionnel

En cas de non-respect des nouveaux critères, la loi responsabilise le propriétaire et/ou l’ « exploitant », terme qui ne devrait pas concerner le syndic, selon l’auteur.[3]

Ce sont donc à priori les propriétaires qui doivent voter sur la réalisation des travaux de mise en conformité, dans le cadre de l’assemblée générale des copropriétaires.

Dans la majorité des cas, ces travaux de mise en conformité devraient constituer totalement ou partiellement des travaux de transformation ou d’amélioration, nécessitant soit la majorité absolue, soit la majorité des ¾ des voix, laquelle risque d’être difficile à obtenir !

En conséquence, de nombreuses situations litigieuses peuvent se présenter, dont 2 auxquelles l’on peut penser tout de suite :

  • Dans une copropriété dans laquelle la majorité requise vote en faveur des travaux de mise en conformité : les copropriétaires occupants (non-bailleurs) doivent subir les travaux de mise en état dont ils ne bénéficient pourtant pas.
  • Dans une copropriété dans laquelle la majorité requise vote contre les travaux de mise en conformité : les copropriétaires occupants (non-bailleurs) peuvent bloquer les travaux que les copropriétaires bailleurs doivent faire réaliser pour pouvoir louer leurs appartements.

Très grave est encore le fait que dans certaines hypothèses, même avec la meilleure des bonnes fois, les copropriétaires, même en votant tous les travaux possibles, n’arriveront pas à remédier à une interdiction de louer. En effet, notamment pour des résidences accolées des deux côtés, il n’y aura pas moyen pour aménager une 2ème sortie d’évacuation (pour les pompiers, la possibilité d’accéder avec leur échelle à une fenêtre pour évacuer les occupants en cas de feu).

Ces propriétaires de logements situés à l’arrière, achetés souvent pour leur situation plus calme, ne devraient donc plus être en mesure de louer leur bien, sous risque de sanctions pénales lourdes.

   III)   Des conséquences lourdes

La loi sanctionne tout propriétaire ou exploitant qui ne respecte pas les nouveaux critères d’une amende de 251 à 125 000 € et/ou d’un emprisonnement de 8 jours à 5 ans.

Les nouveaux critères s’appliquent à partir du 23 décembre 2021 à tous les logements loués ou mis à disposition depuis cette date et loués de façon continue depuis le 1er janvier 2020 ; elle devrait être d’application depuis les 1er janvier 2020 pour tout nouveau bail conclu après cette date…, même si de nombreux copropriétaires et même professionnels n’auront pas réalisé l’application aux copropriétés.

L’objectif de la loi était certainement d’assainir le marché surchauffé des chambres, logements et immeubles donnés en location, vu la pénurie de logements disponibles à des prix abordables et au regards des excès commis par des bailleurs donnant en location des chambres en mauvais état lesquels étaient souvent les seuls logements disponibles à des prix tant soit peu abordables.

Mais les nouveaux critères ont certainement des effets très conséquents pour les bailleurs dans une copropriété, alors qu’ils s’appliquent également aux parties communes, et risquent, en cas de respect, d’augmenter encore les loyers puisque moins d’objets pourront être loués.

La loi aurait dû exempter les copropriétés et régler la problématique les concernant par des mesures de sécurité applicables dans le cadre de la construction de toute nouvelle résidence, et valant seulement pour l’avenir.

Il faudra donc s’attendre à une multitude de procès, dont l’issue n’est pas certaine à l’heure actuelle.

L’auteur se demande par ailleurs si la loi ne romprait pas le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, ou remettrait injustement en cause le droit de propriété même.


[1] Loi du 20 décembre 2019 (Mémorial A n° 882 de 2019) et son règlement d’exécution du même jour (Mémorial A n° 883 de 2019).

[2] La majorité des critères s’applique au « logement », aux « chambres » ainsi qu’au « local collectif ». L’auteur estime que sur base des définitions données par la loi et le règlement, ces parties constituent généralement des parties privatives dans une copropriété.

[3] A nos yeux, le syndic pourrait uniquement être tenu responsable s’il ne respectait pas son obligation d’information et de conseil, problématique sur laquelle l’auteur reviendra dans un autre article.